Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/456

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

compta quatorze pas dans le sens du chemin, puis, perpendiculairement, quatorze autres pas.

— Pour ne pas oublier, quand j’ai choisi cet endroit, dit-il, j’ai pris le nombre des Stations du Chemin de Croix.

Un léger renflement du sol marquait le point où il venait d’aboutir.

— C’est là ? demanda Georges d’une voix blanche.

Le prêtre fit un signe affirmatif.

Nulle croix ne marquait l’endroit ; mais de toute évidence, il y avait là un tumulus.

Georges s’agenouilla et les fossoyeurs se mirent à creuser.

— Mieux vaut n’aller chercher votre mère qu’au dernier moment, dit le missionnaire à voix basse.


Ma plume se refuse à vous retracer les étapes de cette voie douloureuse, mes enfants : qu’il me suffise de vous dire que Mme Cardignac arriva pour franchir la dernière, la plus angoissante, comme elle l’avait voulu.

Mais lorsque l’aumônier lui dit d’une voix grave :

— Voici, madame, la médaille d’or portant le nom de votre fils et qui ne laisse aucun doute sur l’identité de celui qui est là !…

Elle défaillit et Georges la reçut dans ses bras : pâle comme une morte, elle fut transportée dans la voiture.

Quand elle revint à elle, la tête appuyée sur l’épaule de son fils, elle éclata en sanglots.

— Ne pleure plus, mère, murmura le jeune officier : de là-haut, il doit être content… Désormais il va reposer au milieu de nous…

— Oh oui ! c’est ma seule consolation, et elle m’est douce au cœur… Merci à toi, mon enfant, de me l’avoir donnée.

La voiture roulait maintenant sur la route de Sainte-Marie-aux-Chênes, vers Batilly et Conflans ; elle passa près du monument élevé à la garde prussienne, et Georges, tournant une dernière fois la tête vers la colline de Saint-Privat, murmura le vers de Virgile :

Une postérité vengeresse sortira de leurs os !…