Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/458

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donner, lui aussi, au jeune officier qu’il avait reçu à son arrivée au corps, une éclatante preuve d’estime et était venu tout exprès de Marseille.

Ce fut l’abbé d’Ormesson qui prononça les paroles qui unissent à jamais. Il allait, quelques jours après, repartir pour l’Extrême-Orient, et quand, avec la sobre éloquence qui le caractérisait, il retraça la vie déjà si bien remplie du jeune officier, en la rattachant à cette Famille de soldats qui avait, dans le cours du siècle, versé sans compter son sang pour la Patrie, une grande émotion plana sur la foule. Lorsque, en terminant, il raconta l’odyssée du fils ramenant en terre française les restes du héros de Saint-Privat, plus d’un œil se mouilla.

Mais sa péroraison surtout enflamma tous les cœurs :


« Ô mon pays, s’écria-t-il, toi qui t’inclines avec un égal respect sur la cendre des petits et des grands, pourvu que cette cendre soit héroïque ; toi que tes ennemis ont parfois proclamé léger, mais que nul n’osa jamais proclamer ingrat, sois fier de posséder des enfants comme ceux qui ont porté à travers trois générations le nom de Cardignac et qui n’ont connu qu’un seul culte : le tien. Leur seule ambition a été, depuis cent ans, de mourir pour toi, et ce dernier descendant des Cardignac, aussi heureux pourtant aujourd’hui que peut l’être créature humaine, te donnerait sa vie sans hésiter, demain, si tu la lui demandais. À ceux qui toujours sont prêts au suprême sacrifice, sois reconnaissant, ô mon pays.

« Aime-la, cette armée qui est le plus pur de ton sang et qui se prépare silencieusement aux grands devoirs, car elle est en même temps la plus sûre garantie de ta grandeur et le plus solide rempart de ta liberté parmi les peuples.

« Dépositaire de tes gloires, un jour viendra où elle te fera oublier tes deuils !

« Ô mon pays, aime toujours et honore ton armée ! »


Lorsque le long défilé à la sacristie fut terminé, le cortège se disposa à sortir, et Georges se tournait vers « sa femme » pour lui offrir le bras, lorsqu’il distingua derrière un pilier, un uniforme, un uniforme de simple marsouin.

Celui qui le portait, un grand garçon au teint basané, aux cheveux ras, était entré dans la sacristie pour saluer, comme les autres, les nouveaux