Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un quart d’heure plus tard, j’étais habillé, équipé et armé de pied en cap, cartouches comprises, grâce au brave Pépin qui s’extasia sur ce qu’il voulut bien, en son langage coloré, appeler mon chic épatant ! en tenue de « marsouin ».

Le lieutenant Cassaigne me laissa ensuite faire connaissance avec mes nouveaux camarades, les « marsouins » du poste, auxquels, selon l’usage, j’offris la bienvenue, sous forme d’une rasade de café au rhum.

Enfin ! J’étais donc soldat !. Et il me sembla que, d’en haut, mon pauvre père m’adressait un sourire plein de fierté et de tendresse !


Entre soldats, — tu le penses bien, ma chère mère, la glace est vite rompue.

Pourtant, tous me disaient : Vous, y compris Parasol qui avait, le premier, abandonné son tutoiement familier du début.

Je compris que ma conversation absolument amicale avec le commandant Lambert et le lieutenant Cassaigne étaient la cause de cette réserve, et je ne voulus pas paraître, vis-à-vis de mes égaux, me targuer des marques d’amitié de mes nouveaux chefs. J’étais en effet soldat, tout comme les braves gens qui m’entouraient, et m’adressant à Pépin :

— Mon camarade, dis-je, pourquoi donc ne me dis-tu plus : tu, mais vous ? Est-ce que j’ai changé à ce point depuis une heure ?

— Non !… mais…

— Il n’y a pas de mais… Nous sommes camarades, n’est-il pas vrai ? Eh bien ! traite-moi en camarade et continue comme tu as commencé ! Et d’abord, tu es mon parrain de guerre !

— Comment ça ?

— Dame ! C’est toi qui m’as baptisé ! C’est à toi que je dois d’avoir reçu (et de près !) le baptême du feu.

— T’as tout d’même raison ! riposta le Parisien.

À partir de cette minute, tous, le sergent, les caporaux, les vieux chevronnés aussi bien que les jeunes, furent pour moi des amis.

Nous causâmes une bonne heure ; et c’est là que j’appris l’origine du sobriquet de mon « parrain ».

De son vrai nom, il se nommait Pépin (Jean-Louis).

Or, en Cochinchine, d’où il était arrivé trois semaines auparavant, il avait