Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 3, 1904.djvu/97

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Balan, j’avoue que j’éprouvai comme une surprise de me retrouver là et vivant !

Sur la centaine de marsouins que nous étions au début de la charge, il restait net trente-deux hommes et un sergent. Le lieutenant Cassaigne avait disparu !

Je dois dire que, si j’éprouvai une surprise, je ressentis aussi une joie !

C’est que je venais d’entendre derrière moi une voix bien connue articuler ces mots :

— Mâtin de bon sang !… J’ai perdu mon calot ![1]

Il avait en effet perdu son képi, mon brave Pépin, et comme à cet instant il m’aperçut :

— Ah ! te voilà aussi, fit-il en me serrant la main. Ben ! mon vieux ! tu peux dire que t’en réchappes d’une rude. Ah oui ! d’une pas ordinaire !… tu peux l’dire !

Il ajouta avec un rire un peu forcé :

N’empêche que j’ai perdu mon calot, j’vas attraper un coup de soleil !

Sa blague resta sans écho.

Tous les yeux étaient tournés vers Bazeilles, que maintenant environnaient de tous côtés les masses allemandes.

Au-dessus du village, le ciel était obscurci par la fumée noire de l’incendie.

Dans le village lui-même, il restait sans doute des nôtres, car la défense continuait opiniâtrement. On pouvait s’en rendre compte au bruit de détonations qui nous arrivaient encore, et auxquelles se mêlait, hélas ! le bruit du canon allemand.

Malgré leur nombre, il leur fallait donc encore de l’artillerie pour venir à bout de cette poignée de braves !

D’autres détachements français avaient fait comme nous, et, par des rues différentes, avaient percé le rideau des assaillants.

L’un d’eux qui s’était fait jour du côté du pont, fut submergé, anéanti sous le nombre de ses adversaires ; d’autres nous rejoignirent, ayant avec eux plusieurs officiers, et non seulement des marsouins mais des soldats de la ligne…

  1. Calot veut dire en argot militaire : képi.