faudra faire un détour énorme, et alors, quand arrivera-t-il ? La cavalerie ennemie s’avance hors de la forêt : tout va être intercepté.
— C’est vrai, dit Chazot, il faudrait envoyer un paysan. Chargez-vous-en, Bernadieu : voici le pli pour le général Dumouriez. Je compte sur vous.
Le général Chazot disparut au galop dans la direction de l’ouest.
Le jeune colonel réfléchissait :
— Un paysan ? murmurait-il… sans doute… mais je préférerais envoyer un de mes soldats. Il s’habillerait en bûcheron, en campagnard… il trouverait bien moyen de passer ! et la commission serait bien faite, même si le pli était détruit en route.
Se tournant alors vers son monde :
— Un homme de bonne volonté ! demanda-t-il.
Cinq ou six voix répondirent :
— Présent !
Mais au milieu d’elles, le colonel reconnut la voix aiguë de Jean Tapin.
— Tiens ! fit-il en aparté, l’enfant !… Ça vaudrait peut-être mieux encore… Oui, mais s’il s’égare ?… Lui confier une mission pareille !…
Et, soucieux, le colonel réfléchit pendant quelques instants.
Puis, prenant une résolution.
— Viens ici, Jean, ordonna-t-il.
L’enfant sortit du rang des tambours, et suivit l’officier.
À quelques pas de là, le colonel s’arrêta.
— Écoute-moi bien, dit-il ; saurais-tu retourner à Grand-Pré, seul ?
— Oui, colonel, répondit Jean après réflexion.
— Par où passerais-tu ?
— Oh ! je vois très bien la route : nous avons obliqué à gauche ; mais, pour rejoindre Grand-Pré du point où nous sommes, le plus court et le meilleur serait certainement de suivre la lisière du bois, dans cette direction.
Et Jean étendit le bras.
— C’est bien raisonné. Arrive !
Le colonel Bernadieu était, maintenant, décidé.
Profitant d’un certain ralentissement dans la marche du combat, il confia le commandement de la demi-brigade au commandant de Lideuil, le plus ancien des deux commandants, et emmena l’enfant jusqu’à la mairie où il lui fit donner le vêtement d’un petit paysan.