Aller au contenu

Page:Driant-Un dirigeable au pôle Nord,1910.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qui avait laissé à peine au malheureux le temps de pousser un ou deux cris.

Tout en se livrant à ces conjectures, Georges Durtal, sans ralentir sa course, arma sa carabine.

Mais, en arrivant au sommet d’une dune plus profonde que les autres, il s’arrêta, horrifié.

Un spectacle tragique se déroulait devant lui, à 20 mètres à peine : sir Elliot était étendu dans la neige et, penché sur lui, un ours de la plus grande taille le fouillait de ses griffes.

L’Américain n’avait plus la force d’appeler.

Il ne laissait plus échapper que des cris rauques et brefs, mêlés aux grognements du terrible animal.

À quelques pas de lui, le drapeau américain, lacéré à coups de grilles, marbrait la neige de ses lambeaux rouges et bleus.

En quelques bonds, Georges Durtal fut sur le lieu de la lutte et, à son tour, l’ours, trop absorbé, ne le vit que quand il fut à bout portant.

Alors le fauve leva une patte velue, terminée par des griffes langues comme des lames de couteau et ouvrit une gueule qui montrait deux rangées de crocs formidables…

— Visez bien ![1] fit une voix étouffée.

Ces deux mots témoignaient d’un sang-froid si extraordinaire en une circonstance si tragique,

  1. Ces deux mots ont été prononcés, dans des circonstances identiques, par Johansen, le courageux compagnon de Nansen, dans sa course en ski à travers la banquise, par 86° de latitude nord.