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Ce drapeau aux couleurs de Suède, lui seul avait pu le planter en ce point, et l’exclamation des deux jeunes gens voulait dire :

— Andrée est passé la !

Ou plutôt :

— Andrée est tombé là !

À son tour, l’Américain arriva et voulut toucher le glorieux lambeau d’étoffe sorti de sa gangue de givre. Il l’étala, on examina de près les croix rouge et bleu piquées dans les angles, près de la hampe, et répéta :

— Oui, ce drapeau ne peut être que celui d’Andrée !

Le Suédois avait donc atteint le premier le Pôle Nord !

Le Français et l’Américain, eux, arrivaient trop tard.

Mais, d’avoir été devancés, ils ne concevaient ni amertume, ni déception d’aucune sorte.

Car celui qui avait affronté, douze ans plus tôt, avec une âme aussi intrépide, l’aventure la plus étonnante et la plus osée dont fasse mention l’histoire des explorateurs de tous pays, celui-là avait payé de sa vie son geste fou et superbe.

Pendant douze ans, l’Europe avait ignoré le triomphe dont il avait immortalisé le pavillon de son pays.

Elle allait enfin le connaître !

Leur gloire, à eux, consisterait à révéler au monde cette victoire du glorieux disparu. Et cette gloire,