Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/115

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vous en dit, poursuivit Omar ; car après le départ de tous les hommes valides, ce n’est pas cette denrée qui manquera dans le pays : vous n’êtes mariés ni l’un ni l’autre, je suppose ?

— Non, pas du tout, fit Zahner, que cette idée d’un harem réveilla de son mauvais rêve.

— Eh bien ! alors, fit le jeune prince en riant.

— Je n’ai plus envie de plaisanter, fit de Melval ; cette idée de coloniser un morceau du Sahara, pendant que tu chambarderais mes propriétés en Bourgogne, n’a rien d’attrayant.

Quelques instants après cette conversation, les prisonniers étaient introduits devant le sultan. Le commandeur des croyants était assis sur une natte à la mode arabe. Il avait quitté ses vêtements de guerre. Quelques tours d’une petite corde en poil de chameau fixait autour de sa tête un kaïk de laine fine et blanche. Il tenait dans sa main droite le petit chapelet de bois noir qui ne le quittait jamais et dont chaque grain avait été taillé dans l’olivier sacré qui pousse au milieu de la mosquée de la Mecque. Il les égrenait avec rapidité, et même en écoutant, sa bouche prononçait des sourates du Coran.

Du premier coup, le regard du capitaine de Melval croisa celui d’un Arabe, dont la physionomie le frappa au milieu de tous les indigènes à peau foncée et à barbe noire, et qui se tenait debout derrière le maître.

C’était Zérouk.

En même temps qu’il avait dévisagé l’officier français, le renégat avait porté ses regards sur Nedjma, dont l’attitude noble et le maintien gracieux imposaient l’attention.

Pendant toute la durée de l’audience il ne devait plus la quitter des yeux, mais l’impression produite par la jeune fille sur l’Anglais, n’était pas comparable à celle que manifestait le roi Mounza qui, arrivé à Aghadès la veille avec un convoi d’or et une imposante escorte, était assis sur une natte à la droite du sultan.

A la vue de la jeune fille, sa face simiesque s’était éclairée tout d’un coup. Ses petits yeux ternes injectés de sang s’étaient arrondis et une flamme lubrique s’y était allumée instantanément.