Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/144

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vraient d’écorces et se peignaient le corps d’herbes tinctoriales ; ils aimaient les mêmes ornements : cauris et verroteries bleues, et se servaient des mêmes fers de jet, armes à plusieurs pointes qui déchirent les chairs.

Comme eux, enfin, ils étaient anthropophages.

La religion de Mahomet, en pénétrant dans leurs régions inexplorées, avait pu leur donner la notion d’un seul Dieu, mais n’avait pu leur ôter leur goût séculaire pour un filet de chair humaine.

Celui qui les conduisait était leur chef élu, Pa-Moué, un superbe guerrier à la démarche hautaine, au regard assuré, au front bombé, caractéristique de la race. Il portait, comme insigne de commandement, la peau d’un léopard qu’il avait tué et dont la queue traînait à terre : mais il obéissait lui-même à Hadj-Bechir, le féroce marabout, et aurait fait tomber 500 têtes sur un signe de lui.

Un grand nombre de femmes suivaient cette armée : les jeunes, de formes gracieuses ; les autres, fatiguées par les travaux du ménage et de la culture, n’étaient plus que des mégères massives « aux allures de Fauves »[1].

Dans aucune partie de l’Afrique les femmes n’aiment, autant que les Pahouines, les parures et bijoux ; on se souvient à cet égard des goûts de Niarinze, la jeune Pahouine, ramenée en France par Crampel à son premier voyage.

Elles s’étaient donc mises en marche derrière l’armée, ornées de guirlandes de verroteries et de boutons en porcelaine, et les lourds anneaux de cuivre qui enserraient leurs jambes produisaient, en battant les uns contre les autres, un bruit caractéristique : elles semblaient une troupe de fétiches couverts d’ornements bizarres, suivant les épaisses colonnes hérissées de lances barbelées.

Divisés en six groupes, qui comprenaient parmi eux : les Kamma1 les Goumha, les Ba-Laka et les Ma-Yombé, les Fans descendirent les rives de l’Oubanghi en se suivant à quelques journées de marche, suivis eux-mêmes de milliers de canots chargés d’approvisionnements ; de là ils gagneraient le Bahr-el-Ghazal et le Nil-Blanc.

Ils devaient, dans cette marche, rencontrer leurs frères

  1. DE BRAZZA