Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/274

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découverte étaient venus se heurter au rideau qui couvrait l’armée musulmane.

Et là ils avaient trouvé une résistance opiniâtre, car le rideau n’avait pas voulu se laisser percer.

On n’entendait aucun coup de feu ; tout se passait à l’arme blanche.

— Voyez, mon oncle, dit Guy ; ne dirait-on pas là-bas un vaste pli de terrain ? Je ne l’avais pas remarqué d’en bas : sans doute le sol monte insensiblement jusqu’à la crête où sont ces cavaliers ; mais de l’autre côté on dirait des bas-fonds d’oued avec des lauriers-roses et des bois de tamarins très étendus, comme nous en avons rencontrés ce matin près de Taguin.

L’ingénieur avait pris la carte.

— Nous devons être ici dans les environs d’un affluent important du Daya, dit-il, affluent sans eau bien entendu, mais, dont le lit paraît d’une largeur extraordinaire ; en route, Gesland ! commanda-t-il.

Le Tzar s’inclina vers le Sud et repartit dans son glissement d’une infinie douceur.

Au-dessous de lui les tentes se dressaient, les feux de bivouac s’allumaient, la colonne allait camper.

Guy de Brantane regardait les deux spécimens de Touaregs qu’il avait sous les yeux.

Ils s’étaient assis de nouveau l’un en face de l’autre, indifférents en apparence à tout ce qui les entourait.

Leurs lèvres seules s’entr’ouvraient de temps en temps comme s’ils priaient.

— Quelles brutes ! fit-il, en haussant les épaules.

— N’en croyez rien, cher monsieur, dit l’interprète qui avait saisi le mot et vu le geste ; ces gens-là sont plus forts que nous.

La ligne des éclaireurs fut dépassée, et bientôt l’armée française tout entière ne fut plus sur le sol cendré de la plaine qu’un gros triangle noir entouré de fumée.

— Non : n’irons pas bien loin pour trouver leurs éclaireurs, dit Saladin ; voyez sur cette crête, à 3 kilomètres.

Puis il ajouta quelques mots en langue témahaq, et les indigènes se levèrent, malgré leurs liens, pour regarder dans la même direction.