Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/288

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Il poursuivit :

— S’ils eussent commis la faute d’y rester jusqu’à demain, nul doute qu’une marche de nuit de notre colonne se fût imposée pour gagner ces crêtes dominantes demain au lever du jour, et y prendre l’ennemi en flagrant délit de rassemblement ; il nous évitera cette peine.

— Vous parlez d’or, monsieur l’interprète, fit le général qui ne quittait pas sa lorgnette ; vous avez eu la même idée que moi au même moment, et vous auriez peut-être fait un parfait général.

Saladin s’inclina.

— Ils vont nous éviter la moitié du chemin, dit-il, et surtout une marche de nuit ; tant mieux.

— Tant mieux, en effet ; car, voyez-vous, en Afrique le soldat doit d’abord manger, ensuite dormir ; il ne se bat sérieusement que si les deux opérations précédentes ont été menées à bien ; par les chaleurs que nous traversons, c’est doublement nécessaire ; il faut donc que cette nuit tous mes gens dorment ; nos avant-postes écarteront les audacieux, et demain il fera clair… bonsoir, messieurs.

Il était au bas de l’échelle, on l’entendait encore : il recommanda à un lieutenant du génie, entouré d’une dizaine d’hommes, de rester à la disposition des aéronautes pour les mouvements qu’ils allaient avoir à exécuter, et se dirigea vers une tente ronde que dominait son fanion de commandement.

L’ingénieur observait toujours.

— La marche continue, fit-il ; le centre se creuse, le croissant s’allonge… s’allonge même très vite…ce ne sont pas des gens à pied qui sont aux ailes, évidemment… et ils ont bien pris leur direction ; les deux cornes nous débordent largement… s’arrêteront-ils, et où s’arrêteront-ils ?

Et se retournant brusquement :

— Guy, fit-il, montons, montons vite ; il faut voir cela de plus haut ; je suis sur des charbons ardents.

— Je vais faire le nécessaire, dit le jeune-homme, mais je ne vois plus nos deux sacripants de tout à l’heure.

— Qui donc ? demanda Saladin.

— Nos Touaregs, parbleu ; en voilà une surcharge inutile et dont le général se débarrassera mieux que nous.