Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/298

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— On abat les tentes et on prend les dispositions de combat, fit Guy, l’oreille au téléphone.

— L’ennemi continue donc à avancer ? demanda l’interprète.

— Oui, n’entendez-vous pas les coups de feu ?

— C’est lui qui tire ?

— Non, ce sont nos reconnaissances de cavalerie qui l’ont rencontré et qui font feu en se repliant pour montrer qu’elles sont au contact.

— Mais comment des masses pareilles peuvent-elles marcher ainsi en pleine nuit ?

— L’habitude sans doute, et puis elles sont guidées par les feux du camp ; voyez ces milliers de lanternes courant dans tous les sens.

— Mais c’est effrayant. Est-ce que nous allons rester là ?

— Attention, fit l’ingénieur, nous y voilà !

Par tâtonnement et en fouillant le terrain de plus en plus loin, la trace lumineuse venait de s’abattre sur les premiers rangs de l’armée musulmane.

Ce n’étaient plus des éclaireurs, espacés les uns des autres ou des groupes frayant la marche, c’était une houle d’une extraordinaire densité.

Guy en donna l’indication par le téléphone ; on pouvait, d’ailleurs, d’en bas distinguer à merveille les parties éclairées du terrain et voir s’y détacher vigoureusement tous les reliefs qu’il comportait.

Ils doivent être environ à cinq kilomètres, ajouta-t-il, mais ce n’est qu’une évaluation personnelle.

— Et ils paraissent avancer toujours ?

— Toujours.

C’était terrifiant, ce danger qui progressait dans l’ombre.

Lentement le faisceau lumineux se promena sur le front dont il venait d’éclairer un faible secteur, et l’ingénieur constata que le croissant s’était encore allongé.

Le centre avait ralenti, pendant que les cornes avaient forcé de vitesse.

Jamais, depuis que des Européens luttaient contre des Arabes, pareille tactique n’avait été observée.

Cette fois, les leçons de l’histoire dont parlait le général tout à l’heure allaient se trouver en défaut.