Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/325

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cevoir comme une bande de vautours la première ligne des éclaireurs Touaregs.

Il toucha l’épaule de l’officier qui rouvrit les yeux, tourna la tête, chercha l’aérostat et regardant sans comprendre.

— Parti ? fit-il.

— Oui, parti.

— En vous abandonnant ici… avec moi ?…

— Oui.

Il allait sans doute demander le pourquoi des choses, mais il vit les yeux de son interlocuteur fixés avec epouvante vers le Sud, suivit la direction de son regard et froidement :

— Ils seront ici dans un quart d’heure, dit-il.

Et tirant légèrement sur les rênes de son cheval qu’il n’avait pas lâchées.

— Allons, pauvre Bon-Garçon, dit-il d’une voix douce et lasse, calme-toi… tout n’est pas perdu, pour toi du moins…

Monsieur, dit-il en s’adressant au jeune homme, voulez-vous prendre ces rênes que je ne puis garder et me donner mon revolver dans la main droite.

— Le voici, dit Guy, tirant machinalement l’arme de son étui.

— Est-il chargé ?

— Il y a encore quatre coups.

— Avec un coup prêt à partir ?

— Oui.

— C’est tout ce que je voulais, j’ai de quoi tuer les deux premiers brigands qui me toucheront, et je suis maître de ma vie pour échapper aux autres… Vous allez me laisser ici.

— Vous laisser ?…

— Oui, reprit-il d’un air d’autorité ; c’est ma dernière volonté… et vous ne pouvez pas me refuser cela. Voici mon cheval, prenez-le… c’est ce que j’ai de plus précieux, c’est le seul être peut-être que j’aime au monde.

Sa voix s’altérait.

Vous allez le sauver et il va vous sauver, poursuivit-il plus lentement… quand vous serez hors de danger… soignez le bien en souvenir de moi.