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d’ailleurs depuis longtemps de monnaie d’échange dans les nombreux États compris entre le Niger et la cote de Guinée.

Ce qui distinguait la mine d’or d’Atougha des mines découvertes en 1848 dans le Sacramento et les collines de Californie, c’étaient le nombre et le poids de ses pépites.

Il semblait qu’elle dût être inépuisable, et l’Italie était bien inspirée en cherchant à combler les énormes déficits de ses budgets successifs à l’aide de ce « placer » d’une richesse fantastique.

Le malheur voulut qu’il tombât entre les mains d’un homme décidé a retourner contre l’Europe cet or qui y soulevait tant de convoitises et d’appétits.

On aurait cherché en vain sur cet immense chantier les procédés employés par les peuples soi-disant civilisés pour exciter au travail leurs mercenaires ou leurs esclaves.

Les noirs savaient tous quel était le but poursuivi, quel était l’emploi de ce métal auquel jusqu’alors, comme d’ailleurs toutes les tribus du haut Nil Blanc, ils avaient préféré le cuivre, et le fanatisme chez eux activait le travail plus que les exhortations des chefs.

Convertis tout récemment à l’islamisme, ils avaient la ferveur des néophytes, et sachant gré a une religion qui avait chez eux supprimé l’esclavage, ils en observaient les pratiques avec une stricte rigidité.

Rien de plus touchant, de plus émouvant même, que leurs prières et leurs ablutions lorsque l’heure en était indiquée du sommet de la plate-forme du « bôma » par le « muezzin »[1] du sultan.

Quittant alors le lit de la rivière et regagnent les bords, ils se dirigeaient vers les marabouts descendus de la rive gauche, se prosternaient vers l’Orient, et les genoux dans le sable, répétaient les versets du Coran que récitaient à haute voix les prêtres de l’Islam.

Ils appartenaient à la tribu des Monbouttous, que les trafiquants d’ivoire de Khartoum appelaient Gourougourous, d’un mot arabe qui signifie « percé », qualification motivée

  1. Employé de mosquée dont la l’onction consiste à appeler du haut des minarets les fidèles à la prière.