Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/72

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indiquaient l’eau à une faible profondeur, lorsque le Targui de tête s’arrêta soudain.

Derrière un maigre buisson de lentisques un cadavre était étendu, celui d’une négresse aux côtes saillantes et dans un état de maigreur extrême : elle portait sur son dos un paquet de haillons bleus d’où émergeait un petit crâne aux yeux déjà vidés par les gypaètes, rôdeurs des airs.

— Une mère et son enfant morts de faim, dit Omar en s’approchant.

Mais le Targui qui l’avait vue le premier donna de petits coups du bois de sa lance sur les genoux de son méhari : celui-ci s’accroupit et l’homme sauta à terre ; puis, soulevant la tête de la malheureuse, il montra au sultan, derrière le crâne souillé de sable et de sang figé, le trou fait par une balle.

Le Sultan fronça le sourcil.

— En route, fit-il, et la caravane continua sa course à une allure plus rapide.

À quelques kilomètres de là, elle croisa sans s’arrêter deux autres cadavres, celui d’un homme et d’un enfant d’une quinzaine d’années.

— Plus vite, commanda le sultan.

Et comme ils venaient d’arriver au sommet d’une dune en suivant les empreintes nombreuses que jalonnaient ces cadavres, ils aperçurent une longue file d’hommes et de femmes attachés deux à deux : des fourches en bois emprisonnaient leur cou et une lourde chaine réunissait le pied gauche de celui qui marchait en tête au pied droit de celui qui le suivait. Sur les flancs de cette funèbre colonne des cavaliers allaient, poussaient brutalement les retardataires.

C’était un convoi d’esclaves venant du Nord-Est, et évitant Aghadès dont le haut minaret se profitait à l’horizon sur un fond de palmiers.

— Qu’on les prenne tous, commanda le sultan d’une voix brève.

Les Touaregs s’éparpillèrent comme des vautours.

En quelques instants ils enveloppèrent le convoi.

— Es-tu musulman ? demanda le sultan au premier des captifs qui lui fut amené.