Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/86

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figure voilée, montés sur de rapides méharis, et emmenée comme esclave vers le marché de Tghaza.

Elle était belle : elle s’y vendrait un bon prix.

Mais à deux jours de cette oasis, la caravane des traitants avait eu la malchance de tomber, au petit jour, sur le camp du capitaine de Melval, qui opérait avec sa compagnie des reconnaissances autour d’Arouan, et malgré la vitesse de leurs montures, les marchands de bois d’ébène avaient presque tous mordu la poussière, abattus par des feux de salve à longue portée.

De Melval avait délivré lui-même la pauvre Nedjma au moment où, enlevée par l’un des traitants, elle allait lui échapper. Grâce aux jambes de son cheval il avait pu rejoindre le méhari et tuer d’un coup de revolver le mécréant qui emportait la jeune fille.

Les esclaves délivrés avaient été envoyés à Tambouctou, où une partie des ruines et des terrains au nord de la ville leur était concédée ; mais Nedjma avait supplié l’officier français de la garder, et, depuis, elle n’avait pas voulu le quitter.

Etait-ce de l’adoration, du respect ou seulement de la reconnaissance qu’elle professait pour lui ? Il était bien difficile de le deviner, car malgré son jeune âge, sa figure était sérieuse et impassible : mais quand ses yeux se fixaient sur l’officier, on y sentait le dévouement du chien pour son maître.

Lui l’avait trouvée charmante, bien supérieure à toutes ces femmes arabes qu’il avait connues pendant ses dix années d’Afrique, supérieure en beauté aux Ouled-Naïl de Biskra, et, en intelligence, aux femmes trop asservies d’Algérie et de Tunisie.

Mais il la regardait comme une enfant, bien qu’une enfant de ce pays du soleil fût déjà femme à treize ans, et en enfant il la traitait. Il lui avait fait dresser une tente à côté de la sienne, et, depuis le jour où il lui avait rendu la liberté, elle était devenue son esclave volontaire et s’était attachée à chacun de ses pas.

Et personne n’avait songé dans son bataillon à lui parler de ses amours et à le plaisanter, car ses camarades avaient déjà remarqué dans sa tente, sur sa petite table de cam-