Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/10

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la nuit, s’étaient étendus sur le sable, insouciants du soleil de plomb qui dardait sur leurs têtes ses rayons perpendiculaires, et d’en haut on les confondait avec les morts. Mais c’était à l’enlèvement des cadavres surtout qu’était occupée la plus grande partie des combattants de la veille ; déjà plusieurs morceaux de corps avaient été tirés à l’écart, et chaque tribu, suivant ses usages, allait, sinon leur donner la sépulture, du moins leur faire les funérailles prescrites par Mahomet.

Et de cet immense cimetière surchauffé une odeur cadavérique montait déjà.

Saladin était depuis quelque temps absorbé par ce spectacle, lorsque l’un des Touaregs le tira par le pan de son vêtement.

— Quand vas-tu nous ramener à nos frères ? demanda-t-il.

— Tes frères ? répondit l’interprète. Où sont-ils ?

L’indigène montra l’Orient, et un instant Saladin crut qu’il avait affaire à deux de ces farouches habitants du Tibesti qui reçurent si mal Nachtigal, et qui parlent l’idiome tamahacq.

Mais après une nouvelle question, il apprit qu’ils appartenaient à cette fraction des Aouellimiden dont le terrain de parcours s’étend entre le Niger et le Tchad.

— Attends ! fit-il d’un ton d’autorité ; je t’ai promis de te ramener à tes frères, c’est vrai, mais d’ici là vous m’avez promis obéissance aveugle je suis votre maître comme le Sultan du désert est le mien : c’est pour lui que nous travaillons, soyez patients.

— À quoi pouvons-nous te servir sur cette machine que nous ne connaissons pas ?

— Vous me servirez, car je vous apprendrai à la diriger comme moi-même.

— Notre élément n’est pas l’air, mais la terre, et nous aimons mieux chevaucher sur le dos de nos méharis que sur les ailes de cet oiseau inconnu.

— Vous retrouverez vos méharis, mais il faut m’obéir d’abord : c’est le khalife qui vous l’ordonne par ma bouche.

Un quart d’heure après, le Tzar planait au-dessus de la multitude qui s’entassait dans la dépression de l’Oued Daya.