Page:Driant - L’invasion noire 2-grand pèlerinage à la Mecque,1913.djvu/61

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rence peut-il y avoir cependant, poursuivit-il après un silence, que cet infect monsieur se retrouve ici ?… Et puis, mon drôle de Batna n’avait pas de barbe.

Tiens, fit de Melval qui, les yeux en l’air, détaillait la nacelle, qu’est-ce que c’est que ces passagers-là ?

À la balustrade de la nacelle, les deux Touaregs venaient d’apparaître et, dans le langage témahacq, inintelligible pour les deux officiers, engageaient une conversation à tue-tête avec quelques-uns des indigènes qui tenaient le guiderope.

Derrière eux, le cheik Mospha, dans son éternel grignotement, regardait la scène d’un air placide.

— Sans doute des interprètes que les aéronautes auront amenés avec eux ? dit Zahner.

— Non pas, car l’un d’eux serait descendu avec cet Européen pour traduire ses paroles.

— Inutile, puisque Omar parle français, anglais et allemand.

— Alors ces indigènes seraient donc des otages ?

— Des otages de qui, de quoi ? Le ballon n’est-il pas à la merci du Sultan ? À quoi serviraient des otages à ceux qui le montent ?

— À celui qui le monte, vous voulez dire ; car, en dehors de la vilaine tête de tout à l’heure, je n’aperçois pas l’ombre d’un Européen sur la plate-forme. Quel drôle d’équipage

— Alors ?

— Alors, je n’y comprends rien.

— Ni moi non plus, sinon que l’entretien doit être intéressant, car il dure longtemps.

Oui, il était intéressant.

Saladin triomphait.

Le Sultan avait compris de suite quel parti il pouvait tirer de cet auxiliaire inattendu ; c’était, au point de vue moral seul, un élément d’influence énorme sur les peuplades primitives qu’il traînait derrière lui.

Il n’avait aucune raison de se méfier de cet homme.

Non seulement la lettre qu’il apportait d’Alger et qui le recommandait comme un musulman revenu de l’erreur et doublement méritant, avait trouvé crédit auprès de lui ; mais