Aller au contenu

Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où mettre Nedjma en sûreté pour cette nuit, car avec ce Mounza je ne serai tranquille que quand j’aurai mis la mer entre lui et moi. Heureusement, ce brave Mata est là.

Il regarda la jeune fille accroupie nonchalamment au fond de la barque elle laissait errer son regard sur l’immense panorama de la ville en cendres.

À ses pieds, Mata, immobile, rêvait sans rien voir.

Ce n’était plus la petite Mauresque ignorante de la vie et dont le cœur s’éveillait au milieu des solitudes du Sahara.

En vingt mois elle s’était faite femme et elle était devenue la femme d’Orient dans son épanouissement le plus complet.

Depuis la nuit terrible où, sur la mer Rouge, elle avait failli devenir la proie de Zérouk, elle s’était voilée comme les femmes arabes ; mais sous la blancheur des étoffes, sous la fouta qui ceignait ses reins, on devinait un corps souple, ferme et charmant ; ses jambes fuselées portaient toujours les lourds anneaux d’argent, seuls souvenirs de sa jeunesse au désert, et ses cheveux d’un noir bleu ondulaient toujours libres sous le voile diaphane qui rappelait la coiffure des femmes juives à l’époque du Christ.

De Melval la prit par la main, l’aida à débarquer, puis chercha autour de lui l’abri désiré.

Mais partout l’incendie avait passé : des pans de mur noircis marquaient seuls l’alignement des rues et des bandes innombrables de chiens grouillaient, déchaînés, menaçants, semblant empêcher toute investigation dans ces quartiers dont ils, avaient toujours été les hôtes tolérés. Fuyant l’incendie, ils s’étaient rassemblés en véritables troupeaux dans les quartiers hauts de la ville, où la flamme avait respecté quelques lots de maisons, et c’étaient leurs avant-gardes affamées qui s’avançaient en retour offensif vers la mer.

— Il serait dangereux d’aller par là, dit de Melval, ces bêtes nous mettraient en pièces je ne vois guère ici que cette grande tour qui puisse nous servir d’abri à tous pour la nuit.

Il montrait la tour du Séraskier que l’incendie avait léché, en effet, mais n’avait pu entamer, à cause de l’épaisseur de ses murailles ; elle était à courte distance et la porte seule