Le jour baissait ; du côté des Sept-Tours le soleil empourprait les créneaux de la grande muraille encore debout et, de temps en temps, une maison oubliée s’enflammait au fond de la Corne-d’Or.
Le vent du soir s’élevait faisant sortir des ruines des tourbillons d’étincelles et projetant dans le Bosphore des nuages de cendre.
À quelque distance de là le Sultan avait pris terre ; des serviteurs avaient déroulé sous ses pieds les lourds tapis de Perse, et d’autres avaient déployé au-dessus de sa tête un dais écarlate garni de hautes plumes blanches.
Une haie, à chaque instant plus épaisse de fidèles revenus dans la ville après le départ des Anglais, se courbait sur son passage.
À ses côtés l’iman de Sainte-Sophie et Hékim, le chef des eunuques, lui ouvraient le chemin.
Vingt Soudanais de la garde, la carabine haute, l’entourèrent et écartèrent les Turcs qui cherchaient à baiser ses sandales.
Sélim s’inclina devant lui et lui tendit ses deux pistolets, damasquinés d’argent et de pierreries, qu’il passa à sa ceinture.
Plusieurs autres barques abordèrent aussi portant une cinquantaine de Monbouttous de la garde particulière de Mounza, et parmi eux le roi des Monbouttous lui-même, plus hideux, plus farouche que jamais.
Sans doute il savait que ce jour était le dernier que devaient passer les deux Français à la cour du Sultan ; et sa passion avivée par l’exaspération d’un échec dont il ne pouvait supporter l’idée, avait imprimé à sa face une expression plus bestiale encore que par le passé.
Comment les mois avaient-ils pu s’écouler sans qu’il arrivât à ses fins, lui le tyran redouté, lui dont un signal pouvait faire tomber cent têtes dans son royaume du Pays des Rivières ?
Il fallait qu’il redoutât singulièrement la vengeance d’Omar pour n’avoir jamais osé employer la force ouvertement.
À défaut de la force il avait essayé la ruse.
Maintes fois il avait essayé de faire surprendre la jeune fille pendant les absences de l’officier français, mais ces jours-là il l’avait jamais trouvée au camp du Sultan.