— Il est trop tard ; j’avais espéré jusqu’à présent pouvoir arriver le premier au sérail, favoriser sa fuite, la mettre entre tes mains. Mais il semble que mon père m’ait deviné… il m’écarte, il veut entrer de suite et seul ; j’eusse mieux aimé voir brûler avec toute la ville ce palais maudit, que d’y savoir ma mère vivante… avec le sort qui l’attend.
— Quel sort ? demanda de Melval.
— Ne le sais-tu pas : celui des épouses infidèles… il me l’a laissé entendre plus d’une fois et ne lui ménagera pas cet horrible supplice : tiens, regarde !
De Melval suivit la direction du regard du jeune prince.
Dans la haute muraille dont la mer profonde venait battre le pied, une sorte d’embrasure s’ouvrait à quelques mètres au-dessus de l’eau ; la muraille était si épaisse qu’on n’en voyait pas le fond elle se prolongeait par un plan incliné, faisait saillie sur la mer, et de Melval comprit vite.
C’était là le chemin que tout à l’heure allait prendre l’infortunée Sultane, enfermée vivante dans un sac avec un chat et un serpent.
L’officier sentit un frisson lui courir de la tête aux pieds…
— Ne vois-tu aucun moyen de la sauver avant cette horrible exécution ? demanda-t-il.
— Je vais faire une nouvelle tentative auprès de mon père, dit Omar, mais je n’espère plus : il a juré sur le Coran… sur le Coran, répéta-t-il.
De Melval le regarda s’éloigner ; un instant encore il resta là les yeux sur les vagues clapotantes qui baignaient les pierres énormes couvertes de végétations marines.
Soudain il se frappa le front.
Un souvenir, celui de la nuit de Périm, venait de lui revenir à l’esprit ; il chercha des yeux Hilarion et l’aperçut courbé sous le faix, du ballot que venait de lui confier Zahner, et qui semblait receler dans ses flancs le contenu de tout un bazar.
Il l’appela :
— Mon capitaine !
— Tu vois toutes ces barques, il nous en faut une pour nous en aller.
— C’est bien ce qu’il me semblait, mon capitaine.
— Pour en avoir une, il faut la prendre.