palais une foule de motifs sans lesquels l’art n’existerait pas ailleurs, statues, bas-reliefs, figurines, sphinx, monstres héraldiques, etc., il était impossible de concevoir une décoration plus variée, plus luxuriante que celle de ce portique aux lignes fuyantes, aux colonnes aussi nombreuses que les arbres d’un parc.
Que de fois, aux jours heureux de sa puissance, Abd-ul-M’hamed était venu oublier, dans ce séjour enchanteur, les soucis de la politique, les intrigues anglaises, les dilapidations de ses « valis » et les convoitises de l’Europe.
Sa sultane préférée s’étendait alors à ses pieds, sur un tapis aux couleurs éclatantes, vêtue d’une simple gaze, et les tons nacrés de sa peau faisaient paraitre gris le marbre des chapiteaux et jaunâtres les dentelles de stuc transparent.
Elle appuyait sa tête sur ses genoux, ses yeux dans les siens ; et Abd-ul-M’hamed, à cette heure, la revoyait dans ses poses alanguies, restée la plus belle des nombreuses épouses qu’il délaissait pour elle.
Il pressa le pas, souleva une lourde portière de Damas derrière laquelle un filet de soie aux mailles très fines formait moustiquaire et se trouva dans une pièce en forme de rotonde dont le dôme était recouvert de cabochons de verre rouge ; les dernières lueurs du jour, tamisant leurs innombrables facettes, allumaient les marbres et donnaient des tons de rubis aux pilastres, aux lampadaires et aux colonnettes d’albâtre ; les épais tapis semblaient de pourpre et les nombreux divans qui encadraient la pièce étaient surmontés d’arcades mauresques dont les rosaces d’or avaient des flamboiements étranges.
Sur l’un d’eux, une femme étendue semblait dormir ; elle était vêtue d’une petite veste à broderies d’or, d’un pantalon de soie jaune très bouffant attaché aux chevilles ; ses pieds étaient débarrassés des petites mules d’argent, recouvertes de turquoises, qui gisaient à terre auprès d’elle ; sur ses cheveux d’un noir de jais était noué un foulard d’un bleu tendre dont les extrémités retombaient sur son cou, et ses bras, très blancs, étaient recouverts d’une gaze bleuâtre et transparente.
C’était la sultane Hêzia.