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Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/50

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De Melval sentit alors que la main du noir cherchait la sienne ; c’était un adieu que le tirailleur reconnaissant à son ancien chef lui adressait avant son départ.

Les souvenirs du Régiment, l’attachement à l’officier aimé de ses soldats dominaient en lui à ce moment les haines religieuses, comme ils avaient fait taire son fanatisme dans le Sahara, la nuit du massacre de Tambouctou.

C’était même plus qu’un adieu, car de Melval sentit que Baba lui mettait un objet dans la main.

Et l’indigène avait disparu lorsqu’il se rendit compte de la nature du cadeau qui lui était fait si inopinément.

C’était un poignard dans sa gaine, un de ces poignards recourbés à lame courte et tranchante comme celle des cimeterres. Le manche était en corne de buffle et la gaine en cuivre ornée de dessins grossiers un anneau servait à le suspendre à la ceinture, comme font les Marocains employés par les riches Arabes en Algérie à la garde des maisons.

L’officier regarda un instant l’arme, la fit jouer dans son fourreau et s’assura que son revolver était à sa ceinture.

Baba savait, à n’en pas douter, que son capitaine avait ce revolver et ne s’en séparait jamais ; pourquoi avait-il éprouvé le besoin de lui fournir une autre arme ?…

Sans doute parce que celle-là ne fait pas de bruit, pensa l’officier… brave garçon…

Et il reprit sa course vers la haute tour dont il n’était plus qu’à une centaine de mètres et dont l’ombre gigantesque dessinée par l’étroit croissant de la lune s’allongeait jusqu’à la mer.

Il pénétra par l’ouverture basse que ne fermait plus la porte à demi carbonisée, se trouva dans l’obscurité, appela.

Personne ne lui répondit : une vague lueur filtrant par une étroite meurtrière lui montra une large rampe qui, à l’instar de celle de la Giralda de Séville, montait en hélice et par une pente relativement douce dans l’intérieur de la tour.

Le sultan Achmet la gravissait souvent à cheval, dit la légende, et, debout sur la plate-forme qui dominait toute la ville, « il semblait une statue de bronze du Prophète descendue du ciel sur le seul piédestal digne d’elle ! »