Ils se turent : un indigène s’approchait du quai, Chargé d’un sac pesant.
— Mets cela ici, dit Omar en lui montrant l’avant de la barque, et va chercher les autres…
Le sac rendit un son métallique.
— Il y a là 100.000 francs en livres anglaises, dit le jeune prince… On va en apporter trois fois autant avec des vêtements.
— Comment ? fit Zahner très surpris.
— Évidemment, dit Omar, croyez-vous que je vous aurais laissé partir ainsi pour un pareil voyage ? Je veux que vous puissiez au besoin fréter un train spécial ou louer un paquebot pour vous seuls dans le premier port où vous toucherez,
— Nous n’avons pas besoin d’une pareille somme.
— Bah ! vous savez ce que cet or me coûte… c’est aussi votre solde pendant cette longue captivité.
— Diable !
Et Zahner mit dans ce mot les inflexions les plus ébahies.
— Donc, reprit Omar, pas une minute à perdre et pas d’adieux à mon père. Je me charge de lui expliquer la promptitude de votre départ.
— Il va nous prendre pour des… pour des muffles !…
— Que vous importe !… la situation est trop grave pour que cette considération-là vous gêne…
Il y eut un silence… À travers l’embrasure que tous trois fixaient avec obstination, une lumière venait de briller.
— Attention ! dit Hilarion.
Et se débarrassant du burnous qui le couvrait, il s’accroupit, prêt à se laisser glisser à l’eau…
La lumière disparut et pendant quelques secondes on n’entendit que le bruit de leurs respirations.
— S’il avait pardonné, dit soudain Omar se parlant à lui-même…, car il l’aime encore, j’en suis sûr, absolument sûr… ; hier, pendant que je l’implorais, j’ai vu une émotion passer dans ses yeux…, si en la revoyant il avait pardonné…
— Mais non, il a juré sur le Coran !… Zahner, poursuivit-il, je m’éloigne ; je crains de vous faire remarquer…, et puis il se pourrait que j’aie été suivi, que je sois observé en ce moment… mon père a une police bien faite… et ici