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ment perpétuel. Il fallait se déplacer sans cesse, aller d’un point à un autre, ne rester nulle part. Fuir, fuir. L’ivresse, c’est le mouvement. Et pourtant on reste sur place.

— Tu n’es guère aimable, tu t’en vas déjà ?

— Mon petit Falet, je reviendrai tout à l’heure, je vais téléphoner.

Il s’arrêta une seconde devant Eva. Ce n’était plus du plâtre ; alors qu’elle paraissait immobile, elle était au comble du mouvement.

— Au revoir.

— Au revoir. Ha ! Ha ! Ha !

Alain descendit l’escalier. On se demande pourquoi c’est fait un escalier, où ça mène. Rien ne mène nulle part, tout mène à tout. Rome est le point de départ de tous les chemins qui mènent à Rome.

Quelqu’un descendait l’escalier devant lui. Des foules immenses montent et descendent les escaliers.

— Pardon.

— Passez, passez, je ne vais pas vite.

C’était un gros homme à moustache grise, à bouffarde. Alain se rappela cette figure ; c’était un sculpteur fort connu des délicats ; peu célèbre, peu riche, modeste. Sans doute habitait-il la maison. Il avait un œil fin, tendre, spirituel ; il sentait le tabac et la bonté.

Mais en dépit de ses gestes lents, lui aussi était emporté par le torrent furieux de la vie, de la drogue. Alain s’arrêta sur une marche et se