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besoin d’argent, mais pas plus que n’en avait Cyrille. L’argent pour animer l’amour, l’amour pour animer l’argent. Pour le moment, elle aimait Cyrille. Elle aimait toujours pour un long moment. Ô saisons ! Ô lits !

Brancion lui plaisait-il ? Brancion était mieux que Cyrille, mieux que Mignac, mieux que Fauchard, mieux que tous.

— Brancion, mon ami Alain vous dévore des yeux, lança Cyrille.

Brancion regarda Cyrille et non pas Alain, rit froidement et continua de parler à Solange. Cyrille n’était pas jaloux, il pensait tenir sa femme pour plusieurs années ; il faisait bien l’amour, il avait encore deux millions devant lui. Après ? Mais après, sa jeunesse serait finie. Il saurait d’ailleurs très bien se réformer.

« La sûreté, la tranquillité de ces gens », se répétait Alain, bouche bée comme un enfant qui reçoit des grandes personnes les idées les plus grossières et les plus simples, et oublie d’en profiter.

Que vaut cette ingénuité ?

À la gauche de Solange, Fauchard, qui avait repris Maria à Brancion. Maria était russe. Une paysanne russe, avec un visage, un corps taillés en plein bois. Bien qu’il fût atrocement chauve, borgne, mal habillé, lourd de paroles, elle aimait Fauchard. Elle avait refusé de l’épouser, mais demeurait dans sa maison. Elle dormait, jouait avec ses chiens et ses enfants, grillait des ciga-