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avait fourni de la drogue. Autrefois, il aurait trouvé miraculeux qu’on lui donnât dix mille francs d’un coup, maintenant c’était un coup d’épée dans l’eau. Lydia était plus riche que Dorothy, mais pas assez riche. La pauvreté exaspérée d’Alain faisait un vide de plus en plus énorme qui n’aurait pu être comble que par une grosse fortune, de celle qu’on ne rencontre pas tous les jours.

Il lui sourit gentiment.

— Je m’habille, Alain, cher.

Il ramassa ses vêtements épars et s’en alla à son tour dans la salle de bain.

Un peu plus tard, ils descendirent. Les couloirs étaient vides ; ils sentirent derrière les portes le lourd sommeil universel. Une bonne échevelée et livide s’arracha à un fauteuil où elle ronflait en boule et leur ouvrit la porte. Comme Alain avait donné tout l’argent qui lui restait au taxi qui les avait amenés là, il détacha vivement sa montre-bracelet et la lui donna. La femme en fut tirée de sa stupeur‫ ; ‬pourtant elle lui jeta un regard de dépit, car elle n’avait pas d’amant à qui refaire ce cadeau.

On était en novembre, mais il ne faisait pas bien froid. Le jour glissait sur la nuit comme un chiffon mouillé sur un carreau sale. Ils descendirent la rue Blanche, entre les boîtes à ordures, remplies d’offrandes. Lydia marchait en avant, haute, les épaules droites, sur des che-