Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Alain.

Solange avait dans le cœur une vanité folle et légère de jeune chatte, mais aussi un sentiment ferme de la vie, une bonté nette. Elle devinait que le moment était grave ; elle connaissait les hommes, elle savait quand ils se tuent ou quand ils blaguent, elle en avait vu tellement se rouler à ses pieds ou dans son lit. Il faudrait peut-être bien coucher avec celui-ci, ça lui remettrait du cœur au ventre.

Cyrille et Brancion rentrèrent. Aussitôt tout était perdu pour Alain, les regards de Solange coururent à la taille svelte de son mari, puis à la gueule fracassée de Brancion.

— Je m’en vais, cria Alain, il faut que je m’en aille quelque part.

— Non, reste avec nous, il faut que tu nous parles, encore, dit Cyrille avec le semblant d’autorité que lui donnait son inquiétude.

Mais quelque chose de la volonté de Brancion était passé dans Alain. Il fit effort sur lui-même pour se calmer, pour les dépister.

— Une femme m’attend.

Brancion le regarda, une seconde.

— Je reviendrai, mais maintenant il faut absolument que je parte.

— Alors, tu viendras déjeuner, demain.

— Oui, c’est ça, mais oui.

« Ah ! non, demain, je ne mangerai plus », se dit-il.

Il alla jusqu’à la porte de la bibliothèque, il