Aller au contenu

Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fringale subite pour quelque chose qui le brûlerait, avait lampé un litre du plus lourd picolo. Cet alcool, sur sa longue diète, avait fait l’effet d’une coulée de pétrole. Dans la rue, il s’était mis à hurler, à insulter la foule. On l’avait emmené au poste.

— Vous étiez à Paris cette nuit ! soupira Mlle Farnoux avec gourmandise.

Chacun, dans la maison, savait qu’Alain avait découché, chacun en avait de l’envie, mais aussi et surtout de l’épouvante. Et cette épouvante allait jusqu’au scandale ; tous ces valétudinaires réprouvaient Alain qui jouait avec les dieux de leur terreur, la maladie et la mort.

— Il y a de belles personnes qui ont dû être bien contentes de vous voir revenu, continua Mlle Farnoux.

— Les belles personnes ne sont pas difficiles.

— Vous, vous êtes difficile.

— Ne croyez pas ça.

— Si vous n’étiez pas difficile, vous ne seriez pas où vous en êtes.

Tandis qu’elle prononçait ces paroles qui semblaient empreintes de compréhension et de sympathie, son œil bleu, cependant, se faisait dur. Si Alain lui avait ouvert les bras, à la condition de partager les excès, les risques dont on parlait, elle aurait refusé, car elle était attachée comme une avare au chétif trésor de sa vie ; mais elle lui en voulait de sa témérité et se réjouissait presque de la lui voir payer, car