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départ de Lydia le touchait. Ce départ venait doubler et approfondir une absence, celle de Dorothy. Il se sentait de plus en plus encerclé par les circonstances qu’il avait laissées se poser autour de lui. Et quel plus terrible signe que celui-ci : une logique captieuse le ramenait dans un milieu dont il avait essayé de s’arracher par toutes sortes d’éclats. Ce quarteron de toqués tranquilles, qui étaient en train de boire du café dans le salon en bas, sous les portraits de Constant et de Baudelaire, c’était sa famille, retrouvée : sa mère, macérée dans un regret craintif de l’amour ; son père qui se reprochait de n’avoir fait que les économies d’un petit ingénieur ; sa sœur divorcée sans emploi ; ‬chacun rêvassant devant les deux autres. Des années d’efforts insuffisants, qui ne s’étaient pas multipliés les uns par les autres, le laissaient retomber à zéro.

Il se tenait là debout, le tabac brûlant entre ses lèvres, sans aucune ressource, ni en dedans, ni en dehors de lui.

Alors l’habituelle réaction se produisit. Aux parois nues qui enfermaient son âme, il ne vit plus soudain, des rares fétiches qui les ornaient, que celui qui résumait tous les autres : l’argent. Il tira de son portefeuille le chèque de Lydia, il s’assit à sa table et le posa devant lui à plat. Il s’absorba tout entier dans la contemplation de ce rectangle de papier, chargé de puissance.

Alain, depuis qu’adolescent il avait senti des‬