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— Dorothy n’est pas bien riche.

— Elle n’est pas pauvre non plus…

Dubourg demeura perplexe.

— Alors, ce serait là pour toi la difficulté. Tu ne pourrais pas aimer une femme sans argent ; et tu ne pourrais pas non plus aimer une femme qui en a parce que tu es obligé d’aimer son argent en même temps qu’elle.

— Peut-être…

— Mais la drogue, alors ?

— C’est la solution de cette difficulté.

— Pourtant je n’ai pas l’impression que tu t’es drogué parce que tu n’avais ni femme, ni argent. La preuve, c’est que tu as commencé très tôt, à un âge où tu étais sûr que femmes et argent allaient venir… Ah ! je voudrais savoir comment tout cela a commencé. Il me semble que c’est par là que je pourrais te reprendre.

Dubourg rêva et tomba dans le doute. Il n’était nullement dupe de l’incroyable exiguïté du dilemme où Alain rétrécissait sa vie : l’absurdité même de ce dilemme l’assurait que ce n’était qu’un prétexte. Et la drogue n’était qu’un autre prétexte qui enveloppait celui-là. Est-ce que cette question de date avait le moindre intérêt ?

Il méprisait cette méthode enfantine qui joint les dispositions physiques et les idées dans un rapport de cause à effet. Physiologie et psychologie ont la même racine mystérieuse : les idées sont aussi nécessaires que les passions, et