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revêtir qu’avec l’aide d’un frère. L’utopie s’égaie souvent par quelque côté. Elle allait chercher bien loin une forme bizarre pour exprimer une chose aussi naturelle que la solidarité.

Parfois, elle se révèle à notre esprit, tout amoureux qu’il est de changement et d’imprévu, avec une telle majesté imperturbable et un tel ordre dans l’enchaînement des puissances de la nature qu’elle saisit notre attention et contraint notre admiration. Elle est l’harmonie du monde que chantent les poètes depuis des siècles, que les pâtres chaldéens dans leurs calmes nuits, aussi bien que les philosophes dans leurs veilles, ont écoutée comme la voix mystérieuse du grand Tout, que les savants s’épuisent à traduire dans leurs formules. Elle est la vie qui évolue depuis la force obscure jusqu’au clair flambeau de la libre raison dans l’homme. Si elle ne crée rien, elle ne permet pas que rien se perde. Elle rattache un phénomène à une cause, cette cause à une cause plus éloignée encore, et nous la suivons ainsi jusqu’aux confins, encore bien proches, de l’inconnu, au delà desquels nous ne pouvons nous empêcher d’imaginer le point central où se rattachent tous les fils de cette trame sur laquelle est brodé l’univers.

C’est là une source infiniment féconde de contemplations pour les âmes rêveuses et une leçon d’humilité, car il n’est rien de plus absolu que notre égalité dans l’impuissance à réagir contre cette loi toute physique qui gouverne le monde ; mais, au point de vue social et pratique, il faut convenir qu’il n’y a pas grandes conclusions à en tirer.

Il n’en va pas de même lorsque, délaissant ces