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mesure cette idée philosophique de la solidarité pénétrera-t-elle le législateur ? Il est malaisé de le dire dès maintenant, et sans doute il convient de lui laisser à la fois l’épreuve et le bénéfice du temps pour porter ses fruits. Les critiques qu’elle peut nous inspirer actuellement ne sont donc que l’expression du désir que nous avons de la voir se compléter et se préciser.

C’est une règle dont il est fait une application fréquente qu’on perd son temps à vouloir concilier des extrêmes, et nous en avons encore une preuve en cette occasion. Malgré l’éloge, peut-être exagéré, qui est adressé aux socialistes dont on paraît faire les dépositaires de l’idée de justice, bien qu’ils n’en aient pas le monopole, ils ne se laissent pas gagner à la théorie du contrat. Il ne peut pas y avoir, disent-ils, d’égalité entre les parties contractantes et, partant, de contrat admissible dans une société constituée au point de vue économique comme est la nôtre. Changeons d’abord la société, nous verrons ensuite s’il nous est nécessaire d’invoquer la solidarité.

Aussi, devant cette attitude intransigeante qui ne laisse guère de place à l’espoir d’une conciliation, peut-on considérer comme une concession ou tout au moins une conception dangereuse cette attribution à tous les individus d’un certain droit sur les richesses produites par le travail accumulé des générations anciennes. Cette idée demanderait à être analysée dans son essence même et dans ses applications. Sous la forme un peu sommaire qui lui a été donnée jusqu’à présent, il est difficile de n’y pas voir une négation, tout au moins provisoire, du droit de propriété, la reconnaissance d’un simple droit d’usufruit sur ce qui