Page:Drujon - Catalogue des ouvrages, écrits et dessins poursuivis, supprimés ou condamnés, 1879.djvu/17

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Ce catalogue, pour lequel nous avons adopté le classement alphabétique rigoureux, comme étant le plus naturel, complété d’ailleurs par des tables aussi détaillées que possible, est principalement destiné à trois classes de personnes : les magistrats, les bibliophiles, les libraires et éditeurs. Bien que nous ne nous proposions aucunement de faire un manuel de jurisprudence (il existe assez d’excellents traités spéciaux sur la matière), nous croyons cependant devoir livrer aux méditations de ces derniers l’extrait suivant d’un des livres les plus autorisés, le Nouveau Code annoté de la Presse, par M. G. Rousset (Paris, 1856, in-4) :

« L’art. 26 de la loi du 26 mai 1819 porte que tous les arrêts de condamnation contre les auteurs ou complices des crimes et délits commis par voie de publication, seront rendus publics dans la même forme que le jugement portant déclaration d’absence, c’est-à-dire par leur insertion au Moniteur. Cet article n’a pas été abrogé par le changement de juridiction des délits de presse (art. 25, déc. du 17 février 1852). Or, l’art. 27 de la loi précitée punit du maximum de la peine qu’aurait pu encourir l’auteur, quiconque réimprimerait, vendrait ou distribuerait un écrit, un dessin ou une gravure condamnée dont la condamnation aurait été rendue publique par l’insertion au Moniteur ci-dessus prescrite[1]. »

  1. Citons à l’appui de ce qui précède un remarquable arrêt de la Cour de Paris inséré comme suit dans la Gazette des Tribunaux du 9 avril 1853 :
    Cour impériale de Paris. — Audience du 7 avril 1853.
    Vente d’écrits précédemment condamnés. — Révélation. — Abrogation des art. 287 et 288 du Code pénal.

    Les art. 287 et 288 du Code pénal ont été abrogés par la loi des 17 et 19 mai 1819.

    En conséquence, les peines prononcées par la loi de 1819 ne doivent point être réduites à des peines de simple police à l’égard de ceux qui, sur les poursuites dirigées contre eux, auront fait connaître les auteurs, imprimeurs et graveurs des chansons, pamphlets, figures ou images précédemment condamnés et ceux encore qui leur auraient remis les écrits incriminés.

    Le maximum de la peine doit être prononcé aux termes de l’art. 27 de la loi du 26 mai 1819, contre les vendeurs ou distributeurs d’écrits et gravures frappés de condamnations antérieures.

    M. G…, libraire, poursuivi pour avoir vendu des gravures et des livres précédemment condamnés, a déclaré tenir ces ouvrages du sr O… En même temps il réclamait le bénéfice de l’art. 288 du Code pénal qui réduit à des peines de simple police la pénalité prononcée contre les coupables de publication et distribution de certains écrits, quand ils en font connaître les auteurs et imprimeurs. G… et O… furent condamnés, par jugement du 29 janvier 1852, de la 6e chambre du Tribunal correctionnel, à six mois de prison et 500 fr. d’amende.

    Sur l’appel du ministère public et des srs O… et G…, l’affaire venait aujourd’hui devant la Cour.

    Après avoir entendu Mes Allou et Paillard de Villeneuve, la Cour, sur les conclusions de M. l’avocat général Flandin, a prononcé l’arrêt suivant :

    Sur l’appel d’O… et les conclusions de G…,

    Adoptant les motifs des premiers juges,

    Et considérant que les dispositions de l’article 287 du Code pénal ont été virtuellement abrogées par les lois des 17 et 26 mai 1819 ;

    Qu’il en est de même des dispositions de l’article 288 qui, par son texte même, se réfère à l’article précédent ;

    Sur l’appel du ministère public,

    Considérant qu’aux termes de l’art. 27 de la loi du 26 mai 1819, les vendeurs ou distributeurs d’écrits et gravures frappés de condamnations antérieures régulièrement publiées doivent subir le maximum de la peine applicable ;

    Que les écrits et gravures vendus par G… et O… avaient été, antérieurement à ces ventes, condamnés par décisions judiciaires publiées dans le Moniteur, et que d’ailleurs G… et O… sont reconnus coupables d’avoir, en 1852, mis en vente et vendu des gravures dont la publication n’était point autorisée par le ministre de la police, délit prévu par l’art. 22 du décret du 17 février 1852 ;

    Met l’appellation et le jugement dont appel au néant, en ce que G… et O… n’ont été condamnés qu’à six mois de prison, et vu l’art. 365 du Code d’instruction criminelle, leur faisant application de l’art. 22 du décret du 17 février 1852, les condamne chacun à un an de prison, à 1,000 fr. d’amende, prononce la confiscation des écrits et gravures saisis, condamne solidairement G… et O… aux frais du procès, fixe à une année la durée de la contrainte par corps.»