Page:Drumont - La France Juive édition populaire, Palmé 1885.djvu/293

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— Pas sur la même joue ! cria Mayer ; changez au moins de côté…

Devant cet intermède, un éclat de rire, d’abord discret, puis incapable de se maîtriser, prit l’assistance, agita joyeusement les tentures funèbres du lieu sacré, fit remuer les draperies du catafalque et danser les flammes qui brûlaient dans les lampadaires. Le municipal de service étouffait de rire dans son uniforme, et l’on aperçut comme des ondulations de dos qui riaient dans la députation des membres de la gauche qui défilait gravement, mêlant à de patriotiques lamentations des appréciations diverses sur les mines de l’Uruguay de Tirard, qui valaient encore deux écus, et les pêcheries de Baïhaut, qui ne valaient plus que vingt sous tout mouillés !

La vision de la place de la Concorde, au grand jour des obsèques, m’est restée dans les yeux. Un temps de mars, avec des giboulées menaçantes, plus qu’un temps de janvier ; un soleil trempé de pluie ; les cavaliers de retour du Bois arrêtant leurs chevaux au bas de l’avenue ; des femmes de tous les mondes, en toilette du matin, grimpées sur des voitures ; des grappes humaines dans les arbres ; la terrasse des cercles pleine de curieux ; au loin, la façade de la Chambre avec son grand voile noir, — décor théâtral qui ne choquait pas et convenait à l’homme et à la circonstance.

L’impression, d’un bout à l’autre de Paris, fut la même : un certain plaisir d’être débarrassé, mais nulle haine. Gambetta mort n’inspirait pas la haine : on ne découvrait pas en lui les côtés bassement féroces de Ferry, qui goûte un plaisir personnel aux méfaits qu’il commet. L’opinion unanime, devançant le jugement de l’histoire, qui commençait déjà, sentait très bien que cet homme avait été un instrument, un délégué des Francs--