Page:Drumont - La France Juive édition populaire, Palmé 1885.djvu/297

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grisait sans boire, vous arrachait les plats des mains, les paroles de la bouche, et, après avoir parlé tout le temps, s’en allait sans avoir rien dit ! Gaudissart et Gazonal tout ensemble, c’est-à-dire, ce qu’on peut imaginer de plus provincial, de plus sonore et de plus ennuyeux.


Vallès a vu surtout l’histrion : son Charonnas, sans être creusé à fond, est d’un relief étrange.


La vulgarité même de Charonnas sert à sa vogue, la banalité de son fond d’idées est l’engrais de son talent. Il a lu que Danton, avant d’éternuer dans le son, déclara qu’il ne regrettait pas la vie, ayant bien soiffé avec les buveurs, bien riboté avec les filles : et il fait le soiffeur, le riboteur, le Gargantua et le Roquelaure.

Ce mélange de libertinage soulard et de faconde tribunitienne emplit d’admiration les petits de la conférence Molé ou les ratés du café de Madrid, qui s’en vont criant à la foule :

— Hein ! est-ce un mâle ?

Cabotin ! cabotin !


Sur tous Gambetta faisait la même impression.

Cet éloignement pour lui de tout ce qui était intelligent et honnête était, d’ailleurs, assez indifférent à Gambetta.

Le mépris de l’homme, chez lui, était inextinguible, immense, profond, à croire qu’il avait passé sa vie devant son miroir.

Il méprisait ceux mêmes dont l’enthousiasme naïf et l’enfantine crédulité l’avaient élevé au pouvoir ; il affichait bruyamment l’espoir de faire égorger ceux qui avaient échappé à la Commune ; il les faisait recenser dans ce but peu philanthropique, et, quand ils avaient murmuré devant lui, il les menaçait de sa canne comme un garde-chiourme aviné.

Ce mépriseur de tous finit méprisé de tous. Il avait surgi dans une fin d’Empire qui ressemblait déjà à une