Page:Drumont - La France Juive édition populaire, Palmé 1885.djvu/332

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des apparences de situations et des étalages de sentiments qui, la plupart du temps, sont absolument faux.

Au premier abord, néanmoins, rien ne semble changé ; les noms en évidence sont des noms de la vieille France, et ce n’est pas un des phénomènes les moins étranges de notre époque que de constater quelle vitalité il y a dans cette noblesse, à laquelle il n’a jamais manqué que de croire à elle-même, pour jouer le même rôle qu’en Angleterre.

Cent ans bientôt seront écoulés depuis qu’on a proclamé les hommes égaux, qu’on a brillé solennellement au Champ-de-Mars l’arbre symbolique auquel étaient attachés tous les hochets de la féodalité, les tortils et les couronnes, les écussons et les manteaux de pairs, les parchemins et les généalogies. L’aristocratie actuelle n’a aucune place dans l’organisation contemporaine, elle n’a rien tenté pour en mériter une ; elle contient, en outre, un élément fort considérable de noblesse de cartes de visite, sans compter le nombre incroyable de fils d’acheteurs de biens nationaux qui se sont anoblis en prenant le nom de la terre que leur grand-père avait volée, après avoir fait guillotiner le propriétaire légitime.

En réalité cependant, en dépit de tant de scandales colportés dans tous les journaux, l’aristocratie n’a pas complètement perdu tout son prestige dans ce siècle qui se croit si profondément démocratique. Un duc authentique, par ce seul fait qu’il est duc, est quelque chose ; il trouve à monnoyer son titre, à se marier richement. Cette improvisation fabuleuse d’un petit lieutenant d’artillerie créant des duchés, des comtés, des baronies, a été prise au sérieux, s’est greffée facilement sur la noblesse ancienne, qui s’était constituée comme elle par l’héroïsme militaire.