Aller au contenu

Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nier, doit savoir à quoi s’en tenir sur la légalité d’un acte et ne pas dire noir le lendemain quand il a dit blanc la veille. Ce prétendu parangon de fermeté était un simple jongleur. Puisqu’il s’agissait précisément du testament d’une veuve et d’un orphelinat, c’était le moment ou jamais de se montrer fidèle à son serment « de défendre la veuve et l’orphelin. » Il a absolument manqué aux devoirs de sa profession pour des raisons personnelles et que nos lecteurs sans doute devineront.

Pour moi je ne perdrai jamais l’occasion de mettre bien en évidence cet écart entre la réalité et la fiction, cette perpétuelle convention qui est le signe le plus inquiétant d’une époque où le besoin de la vérité n’existe plus, où l’on peut répéter ce que disait Tacite des Romains de son temps : nos vera rerum vocabula amisimus.

Il restait à faire exécuter cette étrange décision. Le maire du 2e arrondissement, M. Carcenac, donna sa démission pour ne pas se rendre complice d’un semblable méfait. Winckam s’offrit pour la besogne qui répugnait à tous. Le 27 septembre 1882, accompagné du trop fameux Dulac, il crocheta les portes qui résistèrent pendant cinq quarts d’heure et, malgré les protestations courageuses de M. Lefebure, il entra de force dans l’immeuble et chassa les Sœurs de l’école qui leur appartenait.

Toute la rue ameutée huait le misérable qui, tantôt cramoisi, tantôt blême, semblait, malgré son cynisme, avoir honte de lui-même ; les libres-penseurs eux-mêmes lui jetaient des injures au visage. C’était la première fois en effet qu’on employait la force contre des Sœurs de Charité, la première fois aussi qu’un citoyen se chargeait volontairement d’une tâche que les agents de police n’accomplissaient