Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/102

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Son estroite longueur, que la Sône divise,
Nourrit mille artisans, et peuples tous divers :
Et n’en déplaise à Londre, à Venise, et Anvers,
Car Lyon n’est pas moindre en fait de marchandise.

Je m’estonnay d’y avoir passer tant de courriers,
D’y voir tant de banquiers, d’imprimeurs, d’armuriers,
Plus dru que l’on ne voit les fleurs par les prairies.

Mais je m’estonnay plus de la force des ponts,
Dessus lesquelz on passe, allant delà les monts,
Tant de belles maisons, et tant de metairies.

CXXXVIII

De-vaux, la mer reçoit tous les fleuves du monde,
Et n’en augmente point : semblable à la grand’mer
Est ce Paris sans pair, où l’on voit abysmer
Tout ce qui là dedans de toutes parts abonde.

Paris est en sçavoir une Grece feconde,
Une Rome en grandeur Paris on peut nommer,
Une Asie en richesse on le peut estimer,
En rares nouveautez une Afrique seconde.

Bref, en voyant, De-vaux, ceste grande cité,
Mon œil, qui paravant estoit exercité
À ne s’esmerveiller des choses plus estranges,

Print esbaïssement. Ce qui ne me put plaire,
Ce fut l’estonnement du badaud populaire,
La presse des chartiers, les procez, et les fanges.

CXXXIX

Si tu veux vivre en Court, Dilliers, souvienne-toy
De t’accoster tousjours des mignons de ton maistre :
Si tu n’es favori, faire semblant de l’estre,
Et de t’accommoder aux passetemps du Roy.

Souvienne-toy encor’ de ne prester ta foy
Au parler d’un chacun, mais sur tout sois adextre
A t’aider de la gauche autant que de la dextre,
Et par les mœurs d’autruy à tes mœurs donne loy.

N’avance rien du tien, Dilliers, que ton service,
Ne monstre que tu sois trop ennemy du vice,