Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/133

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LE MORETUM
DE VIRGILE

C’estoit au poinct, que la nuict hyvernale
Approche plus de l’estoile journale,
Et Teveilleur du rustique sejour
Jà par son chant avoit predict le jour :
Lors que Marsaut, qui pour tout heritage
Ne possedoit qu’un petit jardinage,
Craignant dejà la faim du jour suivant
De son grabat tout beau se va levant,
Et tastonnant avec la main soigneuse
L’obscurité de la nuict sommeilleuse,
Cherche le feu, lequel il a trouvé,
Après ravoir à son dam esprouvé.

Là d’une souche à demi consumee
Sortoit encor quelque peu de fumee,
Et soubz la cendre estoit le feu caché :
Alors Marsaut avec le front panché
Sur le foyer, vient approcher sa mèche,
Et attirant un peu d’estouppe seiche
D’un fer pointu, souffle tant et si fort,
Qu’il alluma le feu jà demi mort.

L’obscurité fait place à la chandelle :
Marsaut chemine, et tousjours autour d’elle
Porte la main, pour la garder du vent,
Puis ouvre un huis, qui estoit au devant.
D’un moncelet de fourment il va prendre
Autant que peut la mesure comprendre,
Qui environ seize livres contient.
Il part de là : à la meule s’en vient :
Et sur un aix servant à cest affaire
Met près du mur son petit luminaire.

Alors il va desplier ses bras nuds,
Ses deux gros bras bien nerveux et charnus,
Portant de chèvre une peau herissee
Dessus le flanc rustiquement troussee :
Prend le balay, et tout à l’environ
Va nettoyant la meule et le gyron :
Et puis il met les mains à l’exercice.
Et à chacune ordonne son office.