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Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/31

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Et les vainqueurs ornez de son feuillage
Dessus le bord du fleuve Ausonien.

Là fut dressé maint trophee ancien,
Mainte despouille, et maint beau tesmoignage
De la grandeur de ce brave lignage
Qui descendit du sang Dardanien.

J’estois ravi de voir chose si rare,
Quand de païsans une troppe barbare
Vint outrager l’honneur de ces rameaux :

J’ouy le tronc gemir sous la cougnee
Et vi depuis la souche dédaignee
Se reverdir en deux arbres jumeaux.

VI

Une Louve je vi sous l’antre d’un rocher
Allaictant deux bessons : je vis à sa mammelle
Mignardement jouer cette couple jumelle,
Et d’un col allongé la Louve les lecher.

Je la vi hors de là sa pature cercher
Et courant par les champs, d’une fureur nouvelle
Ensanglanter la dent et la patte cruelle
Sur les menus troppeaux pour sa soif estancher.

Je vi mille veneurs descendre des montagnes
Qui bordent d’un costé les lombardes campagnes
Et vi de cent espieux luy donner dans le flanc.

Je la vi de son long sur la plaine estendue,
Poussant mille sanglots, se veautrer en son sang,
Et dessus un vieux tronc la despouille pendue.

VII

Je vi l’oyseau, qui le Soleil contemple,
D’un foible vol au ciel s’avanturer,
Et peu à peu ses ailes asseurer
Suivant encor le maternel exemple.

Je le vi croistre, et d’un voler plus ample
De plus hauts monts la hauteur mesurer,
Percer la nüe et ses ailes tirer
Jusques aux lieux où des Dieux est le temple.

Là se perdit puis soudain je l’ay veu
Roüant par l’air en tourbillon de feu,
Tout enflammé sur la plaine descendre.

Je vi son corps en poudre tout reduit