Page:Du Bellay - L'olive augmentee depuis la premiere edition, 1550.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dignes de ma cholere. Si quelques uns vouloient renouveler la farce de Marot et de Sagon, je ne suis pour les en empescher : mais il fault qu’ilz cherchent aultre badin pour jouer ce rôle avecques eux. Voylà ung petit desseing lecteur, de ce que je pouroy’bien respondre à mes calomniateurs, si je vouloy’prendre la peine de leur tenir plus long propoz. Quand à ceux qui blasment en moy cet etude poëtique, comme totalement inutile, s’ilz veulent combatre contre la poësie, elle a des armes pour se deffendre : s’ilz plaignent l’empeschement de ma promotion, je les remercie de leur bonne volunté. Ceux qui ayment le jeu, les banquetz et aultres menuz plaisirs, qu’ilz y passent et le jour ; et la nuict si bon leur semble. Quand à moy, n’ayant aultre passetems de plus grand plaisir, je donneray vouluntiers quelques heures à la poësie. Et combien ce m’est un labeur peu laborieux, et coutumier, si ce n’est ou faisant quelque voiage ou en lieu qui n’ait aultre plus joyeuse occupation, bien l’entendent ceux qui me hantent de familiarité. J’ayme la poësie, me tire bien souvent la Muse (comme dict quelqu’un) furtivement en son œuvre : mais je n’y suis tant affecté, que facilement je ne m’en retire, si la fortune me veult presenter quelque chose, ou avecques plus grand fruict je puisse occuper mon esprit. Je te prie donques, amy Lecteur, me faire ce bien de penser que ma petite muse, telle qu’elle est, n’est toutefois esclave ou mercenaire, comme d’ung tas de rymeurs à gaiges : elle est serve tant seulement de mon plaisir. Je te prie encores ne trouver mauvais cet advertissement, ou t’ennuyer de sa longueur, comme oultrepassant les bornes d’une epistre. En recompence de quoy, je te fay’present de mon Olive augmentée de plus de la moitié, et d’une Musagnoeomachie, c’est à dire la Guerre des Muses et de l’Ignorance. Ceux qui ne treuvent rien bon, si non ce qui sort de leur main, y trouverront à mordre en beaucoup de lieux : mesme en cet endroict ou je fay