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XXVI

La nuit m’est courte, et le jour trop me dure,
 Je fuy l’amour, et le suy’à la trace,
 Cruel me suis, et requier’vostre grace,
 Je pren’plaisir au torment, que j’endure.

Je voy’mon bien, et mon mal je procure,
 Desir m’enflamme, et crainte me rend glace,
 Je veux courir, et jamais ne deplace
 L’obscur m’est cler, et la lumiere obscure.

Votre je suis et ne puis estre mien,
 Mon corps est libre, et d’un etroit lien
 Je sen’mon cœur en prison retenu.

Obtenir veux, et ne puis requerir,
 Ainsi me blesse, et ne me veult guerir
 Ce vieil enfant, aveugle archer, et nu.

XXVII

Quand le Soleil lave sa teste blonde
 En l’Ocean, l’humide, et noire nuit
 Un coy sommeil, un doulx repos sans bruit
 Epant en l’air, sur la terre, et soubz l’onde.
Mais ce repos, qui soulaige le monde
 De ses travaux, est ce, qui plus me nuist,
 Et d’astres lors si grand nombre ne luist,
 Que j’ay d’ennuiz, et d’angoisse profonde.
Puis quand le ciel de rougeur se colore,
 Ce que je puis de plaisir concevoir,
 Semble renaitre avec la belle Aurore.
Mais qui me fait tant de bien recevoir ?
 Le doulx espoir, que j’ay de bien tost voir
 L’autre soleil, qui la terre decore.

XXVIII