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Si des saincts yeulx que je vois adorant,
 Vient mon ardeur, si les miens d’heure en heure
 Par le degout des larmes, que je pleure,
 Donnent vigueur à mon feu devorant,
Si mon esprit vif dehors, et mourant
 Dedans le cloz de sa propre demeure,
 Vous contemplant, permet bien que je meure
 Pour estre en vous, plus qu’en moy, demeurant,
Bien est le mal et violent, et fort,
 Dont la doulceur coulpable de ma mort
 Me faict aveugle à mon prochain dommage.
Cruel tyran de la serve pensée,
 De ce loyer est donq’recompensée
 L’ame qui faict à son seigneur hommage.

XLI

Je suis semblable au marinier timide ;
 Qui voyant l’air çà et là se troubler,
 La mer ses flotz ecumeux redoubler,
 Sa nef gemir soubz ceste force humide,
D’art, d’industrie, et d’esperance vide,
 Pense le ciel, et la mer s’assembler,
 Se met à plaindre, à crier, à trembler,
 Et de ses vœux les Dieux enrichir cuyde.
Le nocher suis, mes pensers sont la mer,
 Soupirs, et pleurs sont les ventz et l’orage,
 Vous ma Déesse etes ma clere etoile,
Que seule doy’, veux, et puis reclamer,
 Pour asseurer la nef de mon courage,
 Et eclersir tout ce tenebreux voile.

XLII

Les chaulx soupirs de ma flamme incongnue
 Ne sont soupirs, et