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Page:Du Bellay - L'olive augmentee depuis la premiere edition, 1550.djvu/63

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XCII
Ce bref espoir, qui ma tristesse alonge,
Traitre à moy seul, et fidele à Madame,
Bien mile fois a promis à mon ame
L’heureuse fin du soucy qui la ronge.
Mais quand je voy’ sa promesse estre un songe,
Je le maudy’, je le hay’, je le blâme :
Puis tout soudain je l’invoque et reclame,
Me repaissant de sa doulce mensonge.
Plus d’une fois de moy je l’ay chassé :
Mais ce cruel, qui n’est jamais lassé
De mon malheur, à voz yeulx se va rendre.
Là faict sa plainte : et vous, qui jours et nuitz
Avecques luy riez de mes ennuiz,
D’un seul regard le me faictes reprendre.
  
XCIII
Ores je chante, et ores je lamente,
Si l’un me plaist, l’autre me plaist aussi,
Qui ne m’areste à l’effect du souci,
Mais à l’object de ce qui me tormente.
Soit bien, ou mal, desespoir ou attente,
Soit que je brusle ou que je soy’ transi,
Ce m’est plaisir de demeurer ainsi :
Egalement de tout je me contente.
Madame donc, Amour, ma destinée,
Ne changent point de rigueur obstinée,
Ou hault, ou bas la Fortune me pousse.
Soit que je vive, ou bien soit que je meure,
Le plus heureux des hommes je demeure,
Tant mon amer a la racine doulce.
  
XCIV
Quand vos beaux