endroit quelque acte de jeunesse, je n’ay faict si non ce que je devoy’. Pour le moins, ce m’est une faulte commune avecques beaucoup d’autres meilleurs espriz que le mien. Je ne suis tel, que je vueille blâmer le conseil d’Horace, quand à l’edition des poëmes : mais aussi ne suis-je de l’opinion de ceux qui gardent religieusement leurs ecriz, comme sainctes reliques, pour estre publiez apres leur mort : sçachant bien que tout ainsi que les mors ne mordent point, aussi se sentent-ilz les morsures. Cete conscientieuse difficulté, lecteur, n’estoit ce qui me retardoit le plus en la premiere edition de mes ecriz. Je craignoy’un autre inconvenient, qui me sembloit avoir beaucoup plus apparente raison de future reprehension. C’est que telle nouveauté de poësie pour le commencement seroit trouvée fort etrange, et rude. Au moyen de quoy, voulant prevenir cete mauvaise opinion, et quasi comme applanir le chemin à ceux qui, excitez par mon petit labeur, voudroient enrichir nostre vulgaire de figures et locutions estrangeres, je mis en lumiere ma Deffence et illustration de la langue françoise : ne pensant toutefois au commencement faire plus grand œuvre qu’une epistre et petit advertissement au lecteur. Or ay-je depuis experimenté ce qu’au paravant j’avoy assez preveu, c’est que d’un tel œuvre je ne rapporteroy jamais favorable jugement de noz rethoriqueurs françoys, tant pour les raisons assez nouvelles, et paradoxes introduites par moy en nostre vulgaire, que pour avoir (ce semble) hurté un peu trop rudement à la porte de noz ineptes rimasseurs. Ce que j’ay faict, lecteur, non pour aultre raison que pour eveiller le trop long sillence des cignes et endormir l’importun croassement des corbeaux. Ne t’esbahis donques si je ne respons à ceulx qui m’ont apellé hardy repreneur : car mon intention ne feut onques d’auctorizer mes petiz œuvres par la reprehension de telz gallans. Si j’
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