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LES ARRESTATIONS.

autres grosses épaulettes de pacotille révolutionnaire, dont elle était plus embarrassée que satisfaite.

Rossel avait du reste, comme l’on dit, donné des gages. Dans l’armée sous Metz, il s’était montré un des plus mécontents ; il avait fomenté son petit complot et avait même expédié des ordres, comme un dictateur improvisé. Évadé après la capitulation, il était venu se mettre à la disposition de la délégation de Tours, avait laissé entrevoir des prétentions excessives et avait poussé la naïveté jusqu’à faire comprendre qu’il se chargerait volontiers de la direction des opérations militaires. Il fut deviné ; on reconnut en lui un homme à la fois violent et indécis, sans opinions bien assises et dévoré par une ambition dont l’intensité s’ignorait peut-être elle-même. Néanmoins on le nomma colonel d’emblée, mais on le chargea d’une mission qui devait le tenir éloigné de la guerre proprement dite. Rossel se crut méconnu et fut pris de haine pour les gouvernements, réguliers ou non, qui dédaignaient les capacités extraordinaires qu’il s’attribuait ; être colonel du génie à vingt-cinq ans ne lui suffisait pas. Son caractère apparaît dans les lettres qu’il écrit à cette époque : « J’ai vu des préfets assez variés et des généraux assez uniformes ; les préfets tous avocats, les généraux tous empaillés. » Le 19 mars 1871, il était au camp de Nevers ; il adresse sa démission au ministre de la guerre[1] et accourt à Paris

  1. « Camp de Nevers, 19 mars 1871. Mon général, j’ai l’honneur de vous informer que je me rends à Paris pour me mettre à la disposition des forces gouvernementales qui peuvent y être constituées. Instruit par une dépêche de Versailles rendue publique aujourd'hui qu’il y a deux partis en lutte dans le pays, je me range sans hésiter du côté de celui qui n’a pas signé la paix et qui ne compte pas dans ses rangs des généraux coupables de capitulation. En prenant une aussi grave et aussi douloureuse résolution, j’ai le regret de laisser en suspens le service du génie du camp de Nevers que m’avait confié le gouvernement du 4 septembre, etc., etc. »