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LE SOUS-BRIGADIER BRAQUOND.

femmes à « prendre patience ». C’en était trop ; c’est peut-être cette niaiserie qui entraîna le dénoûment. Braquond s’écria : « Aurez-vous le courage de laisser brûler ces pauvres créatures ? — Bah ! répondit-on, ce sont les femelles des gendarmes et des sergents de ville ! » Braquond n’y tint plus ; son vieux cœur honnête se souleva : il joua son vatout ; il joua sa vie et gagna.

Il courut dans le couloir et cria : « Ouvrez les portes des cellules, ouvrez les portes des communs ! » Les surveillants obéirent. Ce fut une avalanche humaine qui se précipita dans les galeries ; quatre cent cinquante détenus se ruèrent derrière Braquond, qui les maintint pendant quelques instants et se mit à leur tête en disant : « Allons voir ce que ces assassins vont faire de nous ! » Lorsqu’il revint au grand guichet, il eut tout juste le temps d’apercevoir le dernier des Vengeurs de Flourens qui disparaissait par la porte ouverte. Que s’était-il donc passé ? Il est assez difficile de le déterminer d’une façon précise ; deux versions sont en présence, qui ne sont point inconciliables. Selon la première, Ferré, entendant bruire le flot des détenus qui s’agitaient dans le couloir, se serait brusquement éloigné en entraînant tout son monde. Le feu se rapprochait, les cris des femmes pouvaient faire croire que le Dépôt lui-même s’embrasait. Ferré, se souvenant des ordres qu’il avait donnés, se rappelant les amas de poudre qui avaient été entassés au rez-de-chaussée de la Préfecture de police, craignant sans doute de voir se produire une explosion dont il eût été victime, redoutant peut-être aussi d’être assommé par les prisonniers, prit subitement le parti d’opérer sa retraite.

Selon l’autre version, l’étrange juge d’instruction de la Commune, qui était sorti du Dépôt au moment où l’on refusait de mettre en liberté les femmes menacées