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LE DÉPÔT.

en courant, écoutant l’explosion fusante des cartouches que les fédérés avaient semées dans les appartements supérieurs, regardant les flammes qui descendaient le long des pans de bois ; elle disait : « Ah ! nous avons le temps ! » chargeait un nouveau sac sur ses épaules, le jetait à la fontaine, buvait une gorgée d’eau et retournait vers la poudrière qu’il fallait épuiser : d’un mot, d’un geste, d’un cri, elle encourageait ses compagnons et ne laissait point chômer le sauvetage.

Parmi les habitants du quartier qui dans cette journée se dévouèrent au delà des forces humaines, M. Lebois, coiffeur, dont la petite boutique, située rue de Harlay, faisait face au poste des inspecteurs du service des mœurs, se distingua entre tous. Ce fut lui qui enleva le premier baril de poudre et donna ainsi un exemple que l’on s’empressa d’imiter. Trois tonneaux de poudre et plus de douze cent mille cartouches avaient été retirés du foyer qui menaçait de les enflammer ; tout péril grave avait disparu ; on essaya alors de combattre l’incendie. Ce n’était point chose facile ; les instruments faisaient défaut, car, le matin même, avant d’aller présider à l’exécution de Georges Veysset, Ferré avait appelé les pompiers qui sont de permanence à la Préfecture, et les avait forcés, sous peine d’être fusillés, à emmener leurs pompes.

On tenta du moins de sauver quelques meubles, quelques papiers et surtout d’empêcher l’incendie de gagner la portion de la rue de Harlay encore indemne, et d’envahir la place Dauphine. Du haut des toits, par les fenêtres, on versait l’eau que l’on apportait à la main, dans des seaux, dans des vases, dans des terrines, dans tous les récipients que l’on avait pu découvrir. C’est ainsi que l’on parvint à protéger les bâtiments réservés aux services de la deuxième division, de la comptabilité et d’une partie du secrétariat général. On put aussi, grâce à l’i-