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LE DÉPÔT.

chapper. La plupart revinrent chercher asile au Dépôt, qui leur fut ouvert. Dès qu’ils furent rentrés, Braquond avait fait clore la porte et avait défendu de l’ouvrir sans son ordre.

Rapidement il fit une tournée d’inspection pour se rendre compte de l’intensité du danger que la prison pouvait courir. La situation était grave : en face du bâtiment où s’ouvre la porte d’entrée, le dépôt des objets trouvés brûlait ; comme il y a toujours dans ces vastes magasins une moyenne de vingt à vingt-cinq mille parapluies, le feu ne manquait pas d’aliment. La façade méridionale du Dépôt, où se trouvaient l’annexe des femmes, la communauté des Sœurs de Marie-Joseph, l’infirmerie des aliénées, était presque en contact avec la galerie de bois de la Préfecture, qui flambait ; les boiseries de l’annexe commençaient à fumer ; le couloir était couvert de matelas ; la communauté, abandonnée depuis le 29 mars par les sœurs, servait de magasin à la literie supplémentaire de la prison. C’étaient là des matières inflammables qu’il fallait déplacer au plus vite, car si le feu les eût atteintes, elles auraient communiqué l’incendie au Dépôt tout entier.

Pierre Braquond, avec l’intelligente énergie des hommes qui savent commander quand il le faut parce qu’ils ont toujours su obéir, prit la direction du sauvetage ; il divisa ses détenus en brigades, qu’il mit sous les ordres des surveillants, et en hâte, quoique méthodiquement, on arracha les boiseries, on démolit les fenêtres, dont les chambranles se carbonisaient déjà, on transporta dans le grand guichet les matelas, les paillasses, le linge ; en un mot, on enleva à l’incendie toute proie à l’aide de laquelle il aurait pu se propager. Chacun fit son devoir, et bientôt, dans l’aile la plus compromise, il ne resta plus que les murailles en pierres de taille.